Triple noyade à Chalon-sur-Saône : La mère, Lallia Konate, en attente du verdict

news-details
Justice

Le 31 mars dernier, s’est enfin tenu le procès tant espéré et attendu par Lallia Konaté, la jeune mère de famille qui a perdu ses trois enfants à Chalon-sur-Saône. En juillet 2018, lors d’un week-end chez leur père, Assia, Abd-Allah et Abd-Arrahmane ont été retrouvés noyés au lac des Prés Saint Jean. Sous la surveillance de leur belle-mère, Aurélie H., ils avaient été autorisés à se baigner dans ce lac pourtant interdit à la baignade. Ces anges, ne sachant pas nager, partirent trop tôt et laissèrent derrière eux une mère abattue et leurs deux soeurs affectées à vie par ce drame.

Cinq ans après le drame, le procès initialement prévu le 28 octobre 2022, ne s’est tenu que le 31 mars, dans une salle d'audience remplie de personnes venues soutenir la jeune maman, dont Assa Traoré. Le procès a duré plus de 4 heures. Lallia faisait partie des personnes auditionnées, ainsi que l’aînée de ses deux filles et la belle-mère, accusée d'homicide involontaire, accompagnée de sa mère. Seul le maire de Chalon, Gilles Platret, cité à comparaître, était absent ce jour-là. Il est reproché à ce dernier de ne pas avoir visuellement signalé que la baignade dans ce lac est dangereuse et interdite. Sans surprise, son avocat a demandé, au début de l’audience, le rejet de l'assignation, notant que « Je trouve que la configuration et la teneur des débats autour de sa présence montrent qu'il est fort heureux, pour la sérénité des débats, qu'il n'ait pas été là. Est-ce que sa présence n'aurait pas décentré notre sujet ? »

Le déroulé de l’audience

Après avoir longuement été interrogée, la belle-mère Aurélie H. affirma qu'elle ignorait que la baignade était interdite et que le lac était dangereux. Une information qui semblait pourtant être connue des habitants de Chalon, aurait précisé des élus du conseil municipal. A la fin de sa prise de parole, elle s’est adressée à la jeune mère de famille et ses deux filles rappelant que « cette journée ne devait pas se terminer comme ça. Je n’ai pas voulu leur nuire. J’aimerais prendre une partie de votre douleur pour l’ajouter à la mienne. J’espère que vous réussirez à vous reconstruire. »
Manifestant un profond sentiment de culpabilité, elle aurait, selon son témoignage, tenté à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours. « J'ai voulu de nombreuses fois ne plus vivre. Ce sentiment de culpabilité, il est là. Ca me tourmente tout le temps. J'ai peur de sortir, du regard des gens. » Aurélie H. serait suivie depuis le début de cette histoire par un psychologue.

Au tour de Lallia de témoigner. Malgré son courage, la mère de famille n’a pu s’empêcher de fondre en larmes dès ses premiers mots. « C'est important pour moi de prendre la parole. Si je la prends aujourd'hui, c'est pour mes enfants, mes enfants qui sont partis. Aujourd'hui, on souffre. On n'a plus de vie, on aura plus jamais une vie normale. Il faut que je vive avec ça. Cela fait cinq ans que je me bats pour que ce jour arrive enfin. »
A la barre sera ensuite interrogée sa fille aînée, Khadijah, qui a relaté les faits de ce week-end, les mains tremblantes et la voix faible. Elle apporta plus de précisions sur les circonstances et la manière dont la belle-mère aurait préparé cette baignade, prévenant en amont les enfants de prendre des affaires de rechange. Tout le monde devait se baigner et Aurélie H. aurait ainsi assuré qu’au moindre problème elle viendrait les secourir. Cependant lorsque ses frères et soeurs jouaient dans l’eau, au moment où elle a compris qu’il y avait un sérieux problème, Khadijah s’empressa d’avertir sa belle-mère qui n’aurait pas eu la réaction attendue mais aurait plutôt demandé à la jeune fille de jurer avant de réagir. Si la jeune fille n’attend rien de particulier de cette audience, elle n’aurait pas caché ce sentiment de culpabilité avec lequel elle vit. Une situation qui aurait mis une grande distance entre elle et son père au point où elle préfère l’appeler géniteur que papa. Assad I, le père des victimes et ex-mari de Lallia, brièvement entendu au sujet du lien qu’il aurait avec ses filles, a demandé à être déchu de ses droits parentaux.

L’audience s’est donc poursuivie par la prise de parole du procureur, des avocats de Lallia, d’Aurélie H. et du maire de Chalon. « De la peine, il y en a tellement. Elle est là, votre peine. Elle ne tient pas dans une salle aussi petite. C'est une souffrance qui dépasse ces murs. », a déclaré l’avocat d’Aurélie H., Maître Ramazan Ozturk. S’il reconnaît en effet la responsabilité de sa cliente vis-à-vis des enfants, il ne conteste pas son sentiment de culpabilité. Il a en effet fait remarquer sa souffrance et insisté sur le fait que la punir n’aurait pas de sens, car selon lui, elle aurait traité ses enfant ainsi que ceux de Lallia à égalité, sans discrimination. Toutefois il s’en est vivement pris au maire en précisant que « ce drame aurait pu être évité si la mairie avait fait son travail. Monsieur le maire brille par son absence. »
L’avocat de Lallia, Maître Cédric Trabal a également relevé la responsabilité du maire dans cette affaire, précisant qu’« il savait que ce lac était dangereux, un arrêté interdisait la baignade. A l'origine, il y avait neuf panneaux "baignade interdite" mais un seul a été retrouvé, complètement enfoui. Les huit autres n'avaient plus de pancarte. » Il estime que ce défaut d’entretien est un manque d’intérêt. Et précise par ailleurs l’indifférence flagrante du Maire. « On ne peut pas exclure indirectement que la mairie, par son laxisme, son indifférence, ait contribué à créer cette situation », déclara-t-il. Le procureur a également remarqué que c’est ce « défaut de surveillance qui a entraîné le décès des trois enfants ». Il a par ailleurs requis 3 ans de prison avec sursis contre la belle-mère « intégralement assorti du sursis simple » et pour le maire il laissa une condamnation à l’appréciation des juges. Un choc pour Lallia, pour qui Aurélie H. mériterait amplement la prison.

Après une journée bien chargée, la cour a prévu de rendre son verdict le 12 mai prochain. Lallia n’espère qu’une chose, que les juges prononcent une peine à la hauteur de sa perte et de sa douleur. Car perdre trois enfants aussi brutalement est un drame déchirant que rien ne pourrait effacer. Mais nous continuons de prier pour cette famille, pour que la consolation du Dieu de paix les apaise. En effet « tu entends les voeux de ceux qui souffrent, ô Eternel! Tu affermis leur coeur; tu prêtes l’oreille » [Psaumes 10 v.17].

La Rédaction

Partagés récemment

Ajouter un commentaire