Affaire Isabelle Thomas : l’Etat a été condamné pour faute lourde

news-details
Justice

« ‘C’est la victoire de femmes courageuses, innovantes, de beaucoup de travail et de volonté, et aussi celle de l’indépendance de la justice’, a salué Me Isabelle Steyer, qui avait assigné l’Etat en novembre 2018 aux côtés de Cathy Thomas, la sœur d’Isabelle. ‘C’est un cri pour que l’on réalise que lorsqu’une femme ouvre les portes d’un commissariat, il faut l’entendre et prendre sa plainte.’ »
Dans cette lutte contre le féminicide, l’histoire d’Isabelle Thomas refait surface au coeur de notre actualité. C’est un drame qui révèle encore les failles présentes dans nos procédures pour veiller à la sécurité de ces femmes victimes de violences conjugales. Une situation que vivent encore beaucoup d’entre elles jusqu’à présent. Si certaines parviennent tant bien que mal à se délivrer de leur lourd fardeau, pour Isabelle Thomas malheureusement le destin en a décidé autrement.

Tout a commencé lorsque l’enseignante âgée de 49 ans avait porté plainte au commissariat de Condé-sur-l’Escaut (Nord) contre Patrick Lemoine, son ex-compagnon qu’elle avait rencontré 2 ans auparavant. Elle évoquait les violences psychologiques et physiques subies et l’emprise qu’exerçait M. Lemoine sur elle. Les nombreux bleus qu’elle avait témoignaient des coups que son ex-compagnon lui infligeait. Elle avait obtenu 7 jours d’incapacité totale de travail. Patrick Lemoine placé en garde à vue face au juge des libertés expliqua que « Sur les faits, c’est vrai, j’ai agi, mais ce n’est pas pour rien. » Ce qui lui valut l’interdiction d’approcher Isabelle en attendant le procès qui devait se tenir le 13 août 2014. Mais faute de mesures plus strictes, Patrick Lemoine ne respecta pas l’ordonnance qui lui avait été imposée.

Une seconde fois de plus, l’enseignante se plaignit auprès de la police d’être suivie par son ex-compagnon qui la menaçait et disait qu’il ne la quitterait jamais. Lorsqu’elle déposa une main courante cette fois-ci à Dunkerque, M. Lemoine fut à nouveau convoqué au commissariat mais manqua de se présenter. Après une course poursuite en voiture le 4 août 2014 avec Isabelle Thomas, l’homme réussit à immobiliser la voiture d’Isabelle et muni d’une arme à feu il tira sur son ex-compagne ainsi que sur ses parents présents dans le véhicule. Interpellé quelque jours plus tard et placé en détention il se suicida dans sa cellule. L’affaire fut alors classée.

Mais pour Cathy Thomas, la soeur d’Isabelle, cette affaire ne pouvait pas s’arrêter, du moins justice devait être faite car selon elle « ne rien faire, ce serait comme s’ils étaient morts pour rien. » De ce fait, en assignant l’Etat en novembre 2018 aux côtés de son avocate Isabelle Steyer, toutes deux entendirent dénoncer « trois fautes lourdes : celle de la mise en place du contrôle judiciaire, inadaptée, celle de l’inaction face aux violations répétées du contrôle judiciaire, et celle des carences des services de police, appelés le jour de l’assassinat ». Les juges n’ont finalement retenu que la plainte sur l’inaction, soit le simple fait que « les services de police n’ont effectivement pas tout mis en œuvre pour retrouver l’auteur des faits, et cette négligence fautive a conduit à la perte d’une chance de faire révoquer le contrôle judiciaire », et pire encore lorsque leur faute a malheureusement permis au coupable de commettre son crime. Ce n'est qu’au bout de plusieurs années de combat judiciaire que l’affaire a été conclue. Le 16 mars 2020, le tribunal de Paris a condamné « l’Etat à verser 100 000 euros aux proches d’Isabelle Thomas et de ses deux parents, assassinés à Grande-Synthe (Nord) ».

news-details

Les choses auraient certainement pu se dérouler autrement, si des mesures plus strictes pour protéger Isabelle Thomas avaient été mises en place. Tout ceci à cause d’une société complexe et d’un système judiciaire défaillant qui retranche souvent ceux qui ne semblent pas cadrer dans leurs normes en les envoyant dans un gouffre profond. On l’a bien souvent remarqué lorsque sur une simple base de suspicion, vraie ou fausse, les autorités envoient quelques uns en prison, ou encore le favoritisme manifesté comme dans l’affaire de Dieudonné, condamné à une peine, rejeté et interdit de s’exprimer en public contrairement à Eric Zemmour, tous deux pour des faits pourtant avérés.
C’est dans cette triste réalité que nous vivons, où l’on voit des coupables en liberté et des innocents emprisonnés. Mais la parole de Dieu dit à ce sujet que celui qui absout le coupable et celui qui condamne le juste Sont tous deux en abomination à l’Eternel. [Proverbes 17 v.15]

Toutefois comme l’avait soulevé Me Steyer, « le cas d’Isabelle Thomas soulève le problème de l’effectivité du droit. Nous avons un droit qui n’est pas appliqué. Là, ça montre que le droit doit être appliqué ». Dans cette affaire, bien que cette victoire soit « une reconnaissance et la prise en compte de la douleur des victimes », 100 000 euros ne sont rien et ne compensent pas la perte d’Isabelle Thomas et de ses parents. Quoiqu’il en résulte, on est bien loin de ce qu’on appellerait justice et aucune somme d’argent aussi importante qu’elle soit ne parviendrait à dédommager une vie perdue ou une vie brisée.

C’est une douleur qui part difficilement avec le temps, et que seul Dieu par son esprit de consolation peut parvenir à soulager. Nous prions Dieu de consoler et rétablir la famille Thomas et toutes ces autres familles qui ont connu une histoire aussi tragique. Si rares sont les familles ou les proches des victimes de féminicide à affronter l’Etat en justice, il semblerait qu’il y ait eu deux autres affaires similaires pour des homicides conjugaux dont celles « de mai 2014, les juges avaient condamné l’Etat à verser 150 000 euros de dommages et intérêts à la famille d’Audrey Vella, poignardée à mort en 2007 par son ex-compagnon, alors qu’elle avait alerté à de nombreuses reprises la gendarmerie. En janvier 2017, l’enfant mineur d’une femme tuée par son ancien compagnon avait obtenu 54 000 euros. »

author

Perla Kouam WAFFO

Artistes Press

Assistante de rédaction chez 🗞📰 Artistes Press - Entrepreneuse

Partagés récemment

Ajouter un commentaire